Actualisé le 21:11:2024 08:40
Lobbying
La communication
le fer de lance de l'acceptabilité sociale
de la méthanisation
La méthanisation agricole, une idée à vendre ...
Vu par les scientifiques, la question de base est : la méthanisation est-elle utile et/ou indispensable, et si "oui" à l’un ou l’autre de ces critères, de quelle façon doit-on procéder pour en limiter l’impact.
Vu par les communicants de l’ADEME, GRDF, l’AAMF (voire d’une partie de nos élus) tirant profit de cette pratique, ce n’est qu’une représentation marketing comme pour les produits ménagers, du "tout en un", celui qui règle tous les problèmes comme le couteau suisse avec lequel on peut visser, couper, déboucher, limer, poinçonner, etc…, tout dépend de l’objectif.
Ce "tout en un" politico-médiatique a des buts multiples ; consolider les revenus des agriculteurs, régler les besoins d’indépendance énergétique, respecter les objectifs européens en matière de GES, remplacer les engrais issus de l’industrie chimique, traiter les déchets, etc …
Ces objectifs ne sont pas nécessairement complémentaires et vouloir tout faire avec un seul outil n’a pas permis d’aborder le sujet de façon pragmatique.
Dans l’imagerie populaire la méthanisation agricole n’est qu’une notion - vendue aux agriculteurs et au grand public - qui ne se réfère pas à la science. L’image délivrées à ces cibles, délibérément manipulées, permet à chacun des bonimenteurs de diffuser des croyances qui, relayées par leurs semblables, finissent par construire une vérité.
Dans ce mode de communication, le discours occulte tout ce qui accompagne le développement de l’activité : les nuisances et pollutions, les risques environnementaux et sanitaires, la dégradation des sols avec l’absence totale d’une analyse du cycle de vie (ACV) ainsi que celle du calcul du taux de retour énergétique (TRE), la surexploitation des cultures vivrières, le renforcement de la concurrence entre industriels et agriculteurs, ces derniers à terme risquant de devenir de simples fournisseurs de substrats (1), etc.
Dans l’urgence de cocher toutes les cases et pour rendre cela "entendable" et admissible, ils ont utilisé des mots qui font rêver et tout d’abord son must, le "cercle vertueux".
Par définition, le cercle est un "objet mathématique abstrait qui représente une certaine forme de perfection, de par sa symétrie et son absence d'aspérité" qui devient vertueux car "il est empreint de moralité et de sagesse". Le concept laisse rêveur …
Pour renforcer cette idée, ce cercle serait générateur d’"économie circulaire" qui comme chacun sait "cible la gestion sobre et efficace des ressources". Au vu des sommes pharaoniques déversées par diverses institutions pour soutenir les projets, il semble que la notion d’économie ne soit pas la même pour tous, le retour sur investissement a exclu le contribuable.
Pour enfoncer le clou et crédibiliser leurs mensonges, le gaz de méthanisation se devait d’être une "énergie renouvelable" ce qui est contredit par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui précise dans son cinquième rapport "Dans mille ans, jusqu'à 40% des GES rejetés depuis le début de l'ère industrielle seront encore dans l'atmosphère".
Selon GRDF, la méthanisation ne produit pas de méthane mais du biogaz et cela change tout !
GRDF n’utilise le mot gaz seul que lorsque celui-ci est d’origine fossile mais, scientifiquement, ce gaz est du méthane à 97% donc peu différent du dit "biogaz" qui lui, n’a rien de bio au sens courant du terme.
Moins connu que le tristement célèbre CO2, le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre lié à l’activité humaine, principalement l’élevage, les combustibles fossiles (surtout des fuites remédiables dans l’industrie) et les déchets. Même, s’il subsiste moins longtemps dans l’atmosphère, son effet de réchauffement est bien supérieur à celui du dioxyde de carbone, jusqu’à plus de 80 fois.
L’AAMF, pour valoriser son image et tenter de devenir l’acteur incontournable de cette pratique, revendique (entre autres) l’aspect vert du gaz. Comme l’a affirmé son Président (2), "on veut défendre le fait que la couleur verte, elle vient de nos exploitations". D’un coup de baguette magique (ou plus précisément de dialectique marketing) le gaz devient vert, même celui qui est majoritairement issu de lisiers (comme en Bretagne) ou des déchets de l’industrie agroalimentaire arrivant par camion-citerne sur un site après avoir parcouru soixante kilomètres.
En refusant d'admettre que le bilan carbone de ce procédé est catastrophique et que son expansion concourt au réchauffement climatique, tout ce petit monde continue de grenouiller, chacun cherchant à justifier à l’aide de deux études financées par l’ADEME (scientifiquement très contestables) le bien-fondé de son commerce. Le socle est maigre, la science et le marketing ne font pas bon ménage.
Pour éviter toute comparaison, ils jonglent avec les unités en mélangeant allègrement TWh et tep (3), parlent de puissance et/ou d’énergie (4), tous les moyens sont bons pour brouiller les pistes.
Cerise sur le méthaniseur, ils tentent de nous faire croire qu'en 2050 tout le gaz de méthanisation produit remplacera le gaz naturel fossile alors qu’à ce jour la production de gaz par méthanisation ne sait pas compenser la progression de la demande qui n’a aucune chance de s’infléchir.
Comme a écrit Ionesco
"Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux".
(1) Etude Pascal Grouiez du 22 octobre 2021 - CEP (Centre d’Etudes et Prospective) Projet de recherche Métha’ revenus. https://www.cnvmch.fr/prospective
(2) AFG - Congrès du Gaz 2021 du 30 septembre 2021. https://www.youtube.com/watch?v=Zvonm2Ni4LE
(3) 1 TWh (térawatt-heure) = 1.000.000.000 de kW, sensiblement égal à 86.000 tep (tonne équivalent pétrole).
(4) L'énergie c'est une puissance pendant un certain temps. Pour exemple, une éolienne arrêtée de 1 GW de puissance produit zéro GWh !