Actualisé le 21:11:2024 08:40
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Biogaz et biométhane ne sont pas bio !
Et autres éléments de langage ...
Définitions
Biogaz
Gaz produit par un méthaniseur en condition anaérobie.
Biométhane
Biogaz épuré à une qualité équivalente à celle du gaz naturel et miscible avec
ce dernier (soit 95% minimum de méthane
pur CH4).
Ce qu'il faut retenir
Les étapes de purification pour passer du "biogaz" au "biométhane" ne font pas appel à des processus biologiques, par conséquent le "biométhane" porte un nom inapproprié. Le "biométhane" est en fait du simple méthane CH4 sans vertu "bio"particulière.
Le biogaz est obtenu dans des conditions qui permettent d’extraire le plus possible de carbone de la matière entrante dans le méthaniseur : c’est l’inverse d’un puits de carbone tel qu’il est biologiquement réalisé de façon naturelle.
Les appellations "bio" dans "biogaz" et "biométhane" portent à confusion. Elles ne sont pas révélatrices de la nature des processus de méthanisation, ni des conditions d’obtention des gaz.
Il en va de même pour l’appellation de gaz "vert".
La dénomination récente de CIMSE pour l’ensemble CIVE et CIPAN laisse penser que toutes les cultures à vocation énergétique envisagées par les scenarii de l’ADEME sont des cultures Intermédiaires. Il n’en est rien, ce sont des Cultures Principales Energétiques (CPE). Les notions de "culture intermédiaire" et de "culture principale" ont des sens et des définitions claires en agronomie : une culture intermédiaire est réalisée après la récolte d’une culture principale et avant le semis d’une autre culture principale. Une culture intermédiaire ne se substitue pas et ne concurrence pas une culture principale en occupant le sol pendant la période normale de végétation.
Utiliser ce type de vocabulaire hérité d'un marketing mensonger c'est entrer dans le jeu de ce marketing et contribuer à maintenir la confusion dans les esprits. Les agences de l’état ne doivent pas participer à les propager.
Les appellations "biogaz" et "biométhane" laissent sous-entendre que ces gaz ont été produits en utilisant des processus biologiques. Un peu comme on va acheter des légumes "bio". On voit même apparaître l’appellation de "gaz vert". Qu’en est-il réellement ?
Le Biogaz n’est pas "Bio"
Le "biogaz" est obtenu en conditions anaérobie (sans oxygène), dans un réacteur chimique, par fermentation de matière organique, sous l’action de bactéries méthanisantes. L’ajout de ces bactéries dans le réacteur se veut imiter un processus biologique naturel, d’où l’appellation "biogaz".
C’est oublier que les conditions biologiques naturelles dans lesquelles l’émission de méthane est observée sont très différentes de celles pratiquées en méthanisation. Prenons le cas des tourbières par exemple. Ces zones humides qui contiennent énormément de matière organique émettent effectivement du méthane. Cependant, la matière organique qu’elles contiennent est végétale, et de fait ces zones sont de vrais puits de carbone (la matière organique y est plus stockée que décomposée) ! (Joosten et Couwenberg, 2009). Le processus naturel des tourbières fonctionne sur des centaines voire des milliers d'années. C'est pour cela que le carbone s'y accumule, à l’instar du pétrole et du gaz naturel.
En revanche, pour le bon fonctionnement d'un méthaniseur, c'est tout le contraire: la production du gaz de méthanisation est réalisée pour extraire le carbone des intrants de méthanisation au maximum, et il faut que ce soit rapide. Donc les conditions de fonctionnement ne peuvent pas être identiques à celles de la nature : c’est l’inverse d’un puits de carbone.
De plus, parmi les intrants de méthanisation de nombreuses matières animales sont présentes (déchets animaux, effluents …). Et que dire des nombreuses matières synthétiques aussi incorporées en même temps que les intrants de méthanisation : pesticides, fongicides, médicaments …
On le voit, le "biogaz" n’a rien de bio, c’est le gaz produit par une réaction de méthanisation, ou "gaz de méthanisation".
Le biométhane n’est pas "Bio"
La transformation du "biogaz" en "biométhane" nécessite une purification, qui consiste au minimum en trois étapes : décarbonation (pour retirer le dioxyde de carbone CO2), désulfuration (pour retirer le sulfure d’hydrogène H2S), déshydratation (pour retirer l’eau H2O). Ces trois étapes ne sont pas des étapes réalisées par des processus biologiques. Dans une usine de méthanisation, elles sont réalisées par des réactions chimiques.
On prend souvent l’image de la digestion bovine pour illustrer la méthanisation. Dit-on pour autant que ces animaux émettent du "biométhane" ? Non, et il en va de même pour les méthaniseurs : le "biométhane" est du "méthane", un gaz à effet de serre combustible, rien de plus.
Le "digesteur" n’a rien à voir avec la "digestion"
"C’est comme l’estomac d’une vache", ou encore "comme le système digestif de la vache" … autant d’analogies pour faire "digérer" l’implantation d’un nouveau site industriel à proximité de riverains, ou pour paraître "naturel" ou "vert". Attention, ces analogies ne reflètent pas la réalité du procédé.
Il se passe dans un "digesteur" quantité de réactions chimiques qui n’ont pas lieu dans l’estomac ou le tube digestif d’un ruminant, et la digestion du ruminant entraîne quantité de réactions que l’on ne retrouve pas dans le digesteur.
Pour s’en convaincre, il suffit de remarquer :
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que la majeure partie des intrants de méthanisation (lisiers, fumiers, boues de stations d’épuration, résidus animaux de l’industrie …) ne sera jamais mangée par des ruminants ! Avec des réactifs différents, les réactions chimiques sont différentes.
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qu’une des rares tentatives du passé ayant consisté à faire ingurgiter des substances animales (sous forme de farines) à des ruminants a conduit à la destruction de leur biologie : maladie de la vache folle.
Un "digesteur" n’est pas un système digestif biologique, c’est un procédé industriel et doit être appelé par son vrai nom : réacteur de méthanisation.
Le "digestat" n’a rien à voir avec la "digestion"
Le digestat provient des réactions entretenues dans le réacteur de méthanisation. C’est donc le produit de réactions chimiques, après transformation des réactifs (ou intrants de méthanisation).
On remarquera dans les articles sur la méthanisation, que le "digestat", terme utilisé pour signifier une ressemblance avec les fumiers, est aussi vanté comme bon substituant aux engrais chimiques. C’est donc bien un produit chimique.
Le "digestat" n’est ni du lisier, ni du fumier, sa composition chimique est bien différente et dépend des intrants de méthanisation : c’est un ensemble de substances produites lors des réactions de méthanisation successives, c’est donc un des produits de méthanisation.
La méthanisation n’a rien de "vert"
Dans la nature les réactions de décomposition et de minéralisation de la matière organique sont dues à l’existence de micro- et macro-organismes (bactéries, champignons, collemboles, vers de terre …) inexistants dans un réacteur de méthanisation. Ainsi, très peu de méthane est produit dans le milieu naturel, à l’opposé d’un réacteur de méthanisation. Il n’existe pas de milieux naturels produisant autant de méthane que dans un réacteur de méthanisation, et par conséquent la méthanisation n’a rien de "vert".
Ce n’est pas non plus parce que la méthanisation utilise des déchets "verts" que l’appellation "verte" est justifiée, compte tenu de la diversité possible des intrants de méthanisation.
Le gaz de méthanisation n’a rien d’un gaz "vert"
Lorsque l’on utilise le gaz naturel, on ne dit pas qu’on utilise un procédé "vert", pourtant ce gaz est bien naturellement créé. On ne peut donc pas qualifier de "vert" le gaz de méthanisation, puisqu’il a été obtenu par un procédé non naturel !
Les CIVE ne sont pas des cultures intermédiaires
Les CIVE ne sont plus envisagées comme intermédiaires par les scenarii de l’ADEME, puisqu’elles ont une Vocation Energétique ! Elles se substituent donc aux cultures à vocation alimentaires, humaines ou pour les animaux d’élevages. C’est d’ailleurs clairement le but annoncé par l’ADEME, GRDF et GRTGaz dans leurs scenarii pour 2050 (Laboubée 2018), avec :
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CIVE et CIPAN regroupées sous la même appellation de Cultures Intermédiaires MultiService Environnemental (CIMSE), mais est-ce vraiment un service pour l’environnement ?
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Des CIMSE plantées en hiver comme en été, sont des cultures principales comme le maïs le blé, l’orge, les pois, le tournesol …
Il faut abandonner cette appellation trompeuse. Dans ces scenarii, ce sont clairement des Cultures Principales Energétiques (CPE), plantées toute l’année et ne laissant jamais reposer la terre.
Utiliser ce type de vocabulaire hérité d'un marketing mensonger c'est entrer dans le jeu de ce marketing et contribuer à maintenir la confusion dans les esprits. Les agences de l’état ne doivent pas participer à les propager.
Recommandations
L’utilisation de "biogaz" et "biométhane" doit être abandonnée. Les produits de réaction de méthanisation sont des gaz de méthanisation, et leur purification produit du méthane.
L’utilisation de l’appellation CIMSE est trompeuse et doit être abandonnée, ou renommée CPE.
Références
AJoosten H., Couwenberg J. (2009). Are emission reductions from peatlands MRV-able ?
Wetlands International, Ede, 14p
Laboubée Cécile (2018). Un mix de gaz 100% renouvelable. ADEME-GRDF-GRTgaz.
http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/4_100pcgazenr_cive.pdf
Collectif Scientifique National Méthanisation (29 Décembre 2018)